Euronews, la fin d'un rêve européen
Quel avenir pour la chaîne Euronews, qui vient d’annoncer la suppression de 200 postes à Lyon, soit près de la moitié de ses effectifs ?
C’est un peu un rêve européen qui va disparaître, celui d’une ruche, d’une tour de Babel à l’échelle d’un continent, dans un quartier de Lyon qui porte si bien son nom : « Confluence ». La confluence, c’était ce qui avait poussé Euronews à s’implanter au cœur de l’Europe, il y a 30 ans, pour faire entendre toutes les voix, toutes les langues, sans d’ailleurs faire voir tous les visages, car les journalistes de cette chaîne sont plutôt derrière leurs sujets que devant la caméra.
Une subvention européenne qui dégringole
Seulement, peu à peu, Euronews a été victime d’une crise profonde, lancinante : de moins en moins de subventions européennes, un modèle publicitaire à réinventer face au digital, et une identité européenne un peu à la recherche d’elle-même. Résultat, Euronews aurait été profitable dix ans, mais elle aurait accumulé 180 millions d’euros de pertes depuis sa création, dont 150 millions au cours des dix dernières années. C’est ce qui justifie, selon sa direction, la suppression de 200 postes sur les 400 en France, à travers un troisième plan social. Il y a dix ans, on comptait encore 800 salariés.
Alors il restera quand même à Lyon 140 personnes, mais dès la fin de l’année prochaine, ils devront avoir quitté leur siège vert futuriste, signé Jakob & Farlane qui est en vente. Au prix du mètre carré dans le quartier, le fonds propriétaire peut en espérer 60 millions d’euros. Pas mal pour une chaîne qui en perd 20 millions.
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Organe annexe de la Commission européenne ?
Ainsi, la confluence de 30 nationalités dans un cube multilingue, c’est bel et bien fini. Seuls resteront pour des questions de sécurité les rédactions russe, turque et iranienne. Pour le reste, il est prévu de créer six bureaux dans les capitales européennes et une rédaction centrale à Bruxelles. On y trouvera 70 salariés, 100 à terme, avec une obsession : suivre le cerveau de l’Europe. Forcément, c’est là que siège la Commission, qui est aussi celle qui décide de la subvention à Euronews. Une subvention qui est tombée de 42 à 20 millions d’euros en dix ans et qui va se réduire à 12 ou 13 millions l’an prochain, ce qui sera toujours le quart du budget de la chaîne.
D’où une question : Euronews ne risque-t-elle pas de se « bruxelliser » ? En d’autres termes, d’être une sorte d’organe annexe de la maison commune ? Le fonds Alpac Capital, qui a racheté la chaîne l’an dernier, disait qu’il voulait « mettre Euronews au centre du débat européen », dans une vision pro-européenne et pro-Otan. Mais il s’agissait alors de rendre ce média attractif et, promis juré, disait son patron Pedros Vargas David, « c’est impossible de faire cela avec moins de gens ». Disons qu’il a changé d’avis.
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